Clavé
Artisan de la matière
19 juin / 27 novembre 2016
(Sélectionnez au moins 1 critère pour commencer la recherche)
Artisan de la matière
19 juin / 27 novembre 2016
Il n’est pas ici question de modes, de courants ni de commerce, encore moins de décoration, il est question de Peinture. L’Espace Paul Rebeyrolle, fidèle à l’idée de résistance culturelle dans laquelle il a été créé, s’attache depuis plus de vingt ans à défendre et montrer cette peinture-là. L’exposition Antoni Clavé vient s’inscrire dans cette démarche de façon éclatante.
[…]
[…]
Clavé est passé Maître dans l’art de l’assemblage. Il affectionne l’accumulation de matières variées et la transformation des objets délaissés. Il compose ses sculptures à partir de rien, d’objets de rebut, méprisés, négligeables et négligés : cageots pour transporter fruits ou légumes, morceaux de bois d’objets orphelins, planches inutilisées, roues abandonnées… Et s’il on est tenté de rapprocher sa démarche de celle de l’Arte Povera italien de la fin des années 1960, il faut au contraire garder en tête que Clavé n’appartient à aucun groupe, ne revendique aucun art politique. Ses sculptures ne défient ni l’industrie culturelle de masse ni la société de consommation. Clavé est un poète, il joue avec les matériaux pauvres, les détourne pour mieux les réhabiliter. Il destine en effet ses humbles sculptures originales de bric et de broc à être fondues en bronze. Le passage du bois au bronze confère à ses œuvres une certaine solennité et invite le spectateur à porter un regard nouveau sur des objets ordinaires. Orgueil de démiurge ? La fonte transforme ces fragiles rescapés de la société de consommation en Œuvres d’art et les sauve de l’éphémère.
[…]
Il faut se méfier d’une histoire positiviste qui articule, hors de leur contexte, des dates et des lieux dans l’art, comme elle fait avec des batailles ou des crises diverses, en y voyant la raison des mobiles de la création, voire celle de ces correspondances entre artistes que, pendant toute son existence, elle a cru pouvoir cataloguer en écoles. Clavé, né Barcelonais en 1913, n’appartient pas à sa génération, tout simplement parce que la guerre l’a pris pour ses 23 ans, en 1936, quand sa formation était encore celle d’un peintre en bâtiment et d’un affichiste, complétée par les cours des Beaux-Arts. Un peintre en marge, donc. Si elle a lâché son emprise sur lui en 1939, en France, quand, arrivé comme soldat républicain, il peut sortir des camps de Prats de Mollo et d’Haras, elle ne lui a rendu un horizon qu’en 1944 et ne l’a jamais, en vérité, avant ces toutes dernières années, complètement libéré de son exil. 1939 est la date de sa reconstruction en tant qu’artiste. Il n’a donc été ni d’une école catalane ou barcelonaise, au sens usuel, ni non plus de l’école prétendue de Paris. Il l’a payé cher, mais il est devenu Clavé.
[…]