Plongeons dans la peinture
25 juin 2005 / 31 mai 2006
(Sélectionnez au moins 1 critère pour commencer la recherche)
25 juin 2005 / 31 mai 2006
Si la vie d’un peintre consiste à gravir sans cesse des talus escarpés, pour s’approcher des hauteurs de la peinture, c’est qu’il doit considérer celle-ci comme un art gigantesque, capable de tout dire et de tout exprimer, pourvu qu’on ne lui impose aucune notion réductrice.
Il se peut parfois que sur ce parcours se greffent quelques aventures…
Par nature je n’aime pas les anniversaires sauf peut-être ceux en rapport avec l’Aventure.
Or, l’espace Paul Rebeyrolle à Eymoutiers en est une pour moi.
Quand le Maire Daniel Perducat, avec l’appui de son conseil et de quelques vrais amis, est venu me demander de faire quelque chose ici, ma première réponse a été Non !
Par la suite j’ai vu qu’Eymoutiers où je suis né comptait beaucoup pour moi, une sorte de « relation » forte – Que j’aimais le Limousin en général, et aussi beaucoup le caractère un peu « spécial » de ses habitants.
J’ai donc fini par accepter cette « Aventure » commencée il y a dix ans maintenant.
Passionné par la nature, le corps, les matériaux, Rebeyrolle pêche dans un pessimisme clairvoyant la quête de la vie au quotidien, une révolte légendaire et le plaisir jouissif de la peinture : j’essaie de faire suivre les images.
Nous retournons au Louvre pour Le Dos de Sardanapale (Delacroix), nous déambulons dans Venise (pour un Titien), dans Rome (pour les Caravage) et dans son Limousin natal (pour les amis, la nature ou son musée d’Eymoutiers), nous descendons au crépuscule le long de son bief en évoquant Cézanne (des aquarelles pour jeunes filles…).
Toutes ces heures partagées sont empreintes de silence : dans son atelier où j’ai passé de longs moments, au bord de la Meuse à l’écoute de la nature généreuse de l’Ardenne, lors du montage de Prométhée, sculpture en hommage à Bachelard, ou pendant l’accrochage à la Fondation Maeght.
Il s’est jeté dans la peinture comme dans les flaques qui éclaboussent les épopées. Il a balancé l’histoire sur ses toiles, dispersé la terre des charniers, barbouillé la résistance d’un chien pissant sur son matricule, noyé des fantômes qui se piétinaient pour survivre quand le barrage des conventions explosait. Il a vomi le sac des génocides à la sortie de l’égout. Un autre chien hurlant de Rebeyrolle ressemble à un arbre de Noël qui s’écartèle la gueule face à la grève de Dieu. Dans l’infirmerie de Paul, les patients contorsionnent l’humanité et rien ne vaut son cyclope hommage à Georges Guingouin. Cette Résistance française qui mérite d’être extirpée des préjugés de l’Histoire. Guingouin en est le prototype, parti de rien dans le Limousin, communiste le temps de la Résistance, dissident et rebelle à la vie.
Concrétiser cette idée presque insensée de réaliser à Eymoutiers un Espace de cette qualité restera pour moi la plus grande fierté de ma fonction de maire. Mais avoir la chance de côtoyer Paul, de capter, je crois pouvoir le dire, son amitié, son estime et sa confiance, est pour moi la chose la plus agréable, la plus extraordinaire, la plus émouvante que je retiendrai de mes responsabilités municipales et de ma vie d’homme. Pendant les dix années qui viennent de s’écouler, j’ai eu le bonheur de suivre toutes ses grandes expositions. À chaque fois j’ai ressenti des chocs, des émotions dont je ne me sentais pas capable, j’ai été époustouflé, émerveillé, impressionné, secoué par ses nouvelles créations. J’ai eu aussi ce privilège, à plusieurs reprises, et je crois que c’en était vraiment un, de voir Paul travailler dans son atelier de Boudreville, de connaître l’atmosphère presque magique de cet endroit, atmosphère que notre ami Gérard Rondeau a si bien su restituer dans son film. Là était l’essentiel de sa vie. Un lieu qui lui était indispensable, et je le sais, qui lui manquait dès qu’il en était éloigné trop longtemps, même quand il était à Eymoutiers.