Ouattara Watts
Résonances
2 juin / 17 novembre 2019
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Résonances
2 juin / 17 novembre 2019
Le parcours, conçu à la fois comme un panorama rétrospectif, une virée initiatique et une explosion de sons et de couleurs à la hauteur de l’énergie et de la générosité de la peinture de Ouattara Watts, présente près de vingt peintures, parfois monumentales, ainsi qu’un ensemble de travaux sur papiers de différents formats.
Puisant dans ses origines et ses expériences cosmopolites, l’artiste, natif d’Abidjan mais originaire de Korhogo, en Côte d’Ivoire, a élaboré ces dernières décennies une pratique mêlant intimement la musique et la peinture, composant ses œuvres sur la base d’une spiritualité héritée des rituels magiques et d’une philosophie animiste liant l’homme et la nature.
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Sénoufo, Ivoirien, Africain de naissance, New-yorkais depuis trente ans qu’il est installé entre Midtown et Brooklyn, Parisien durant la décennie qui avait précédé, Limousin pour au moins six mois de son exposition à Eymoutiers… Ouattara Watts se déclare « citoyen du monde » avant tout. Ses toiles sont portées par un transculturalisme à la hauteur des enjeux de l’époque, ce dont témoignent les différents canaux de transmission qui émettent leurs signaux dans ses tableaux. Le peintre n’oublie cependant jamais ni l’Histoire, ni ses origines et sa trajectoire personnelle. Son œuvre décortique la globalisation, lui soumet d’autres cartographies, suggère ses propres chronologies, imprime son tempo : sa pratique, sa rythmique, empruntent au temps long de Braudel autant qu’à la relation de Glissant.
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Le panthéon de Ouattara Watts est composé de quelques-uns des plus incontournables innovateurs du siècle qui, comme Fela, Miles Davis ou Sun Ra, ne se sont pas contentés d’exceller dans un genre musical ou la pratique d’un instrument mais, souvent multi-instrumentistes, ont surtout créé des œuvres tentaculaires, étendues dans le temps, sans véritable limites géographiques et ayant exploré de nombreux registres — genres musicaux ou domaines parallèles à la musique : politique pour Fela, peinture pour Miles Davis, mysticisme pour Sun Ra…
En ce qui concerne l’influence des rites magiques, même si l’artiste est toujours demeuré très discret sur ce sujet plus personnel, et même s’il semble évident que ses toiles ne sont pas religieuses à proprement parler, il est intéressant de souligner la part sécularisée des pratiques qu’on y retrouve. En effet, comme c’est toujours le cas pour les fétiches ou les récipients servant aux cérémonies, les toiles de Ouattara Watts se composent d’agrégats de matières, d’empreintes, de coulures ou de projections de couleurs qui semblent parfois avoir été crachées. Quant aux symboles qui ponctuent ses œuvres, ils rappellent bien souvent l’ésotérisme des vèvè haïtiens autant que les monogrammes européens du Moyen-Âge, les diagrammes symboliques des alchimistes ou le langage musical mis au point par Anthony Braxton depuis la fin des années soixante.
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Avec lui, le médium fait émerger des mondes, il révèle la superposition des histoires, la contraction des espace-temps. Il induit une pulsation, une diastole, un tremblement qui contribue à la libre circulation des flux dans la toile sans prétendre les produire ni les posséder, bien au contraire : il se fait la voix d’outre-mondes, la caisse de résonances venues d’espaces intemporels et de temps illimités… Sa peinture interprète. Chez lui l’énergie n’est pas issue de sa petite personne et de ses propres affects mais shunte à l’inconscient collectif. L’immémorial y chuinte : voilà ce qui (en)chante. L’artiste est un sorcier-guérisseur et, comme le houngan, la mambo, le quimboiseur ou le bokono — peu importe le nom — un intermédiaire : le peintre est un médium, et son médium sert de passage.